“Une pâte à modeler informatique que l’on peut malaxer à l’infini pour lui donner la forme et le sens que l’on veut. Une fois le résultat atteint, le joueur peut alors contempler son oeuvre et la voir vivre. En l’observant, il ne manquera pas de constater qu’il manque ici ou là tel ou tel aménagement et il s’empressera alors d’apporter une toute dernière retouche (1).”
Dans SimCity 4, le simple fait d’observer l’évolution des villes peut divertir – au moins autant qu’un aquarium. Et lorsque le joueur intervient, il devient marionnettiste d’un monde aux multiples articulations, pouvant aller jusqu’au paroxysme de la destruction, mettant fin à la mécanique ainsi créée.
SimCity 4 fait l’éloge du détail graphique. Ses prédécesseurs (SimCity, SimCity2000 et SimCity3000) affichaient déjà de la circulation automobile, ferroviaire, maritime et quelques pixels en guise d’habitants. SimCity4 va plus loin – évolution des matériels oblige, en affichant des jardins publics bondés, des cours de recréation joyeuses et de sombres rues peu fréquentables. Les policiers font leur ronde, alors qu’une dispute entre deux hommes éclate; un garçon promène son chien, un vieil homme déambule en fauteuil roulant, des poubelles s’accumulent dans les rues les plus fréquentées, des bidons jonchent les terrains industriels, les mouettes survolent les décharges municipales, les terrains de sports et les jardins privés sont occupés, selon les heures de la journée, par des groupes de discussion, des enfants, des jardiniers…
“Manifestement, il utilisait le simulateur comme un texte, écrivant une histoire, savourant le fantastique pouvoir de son jouet de continuer le récit à partir des germes narratifs qu’il jetait sur l’écran. Les longues pauses qu’il ménageait parfois entre deux actions étant destinées à laisser au programme le temps de rattraper, et parfois d’infléchir, le cours d’une histoire qui lui tenait à coeur.” (2)
SimCity4 emprunte aux codes du jeu d’enfant et des jouets. Ses éléments graphiques en ont d’ailleurs les formes : ils ont tous l’aspect d’objets-jouets. Mais surtout, à l’instar de nos barrages d’antan mis en travers des cours d’eau, faits de pierres et de branchages, son gameplay invite à la modélisation, la contemplation, et à la destruction.
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(1) LE DIBERDER Alain et Frédéric, L’univers des jeux vidéo, La Découverte, Paris, 1998. Chapitre “Voir un enfant jouer”, p144.
(2) Chapitre “Jeux de simulation”, p69.
© 2002-2003 François Soulignac – Extraits de notes rédigées dans le cadre du cours Poétique numérique, tenu à Paris 8 par Georges Bloess et Jean-Louis Boissier, d’octobre 2002 à juin 2003.